Les catastrophes se suivent, la dette augmente, la Bourse perd le moral… l’art roule ! Au rendez-vous annuel de Maastricht (Pays-Bas), le marché de l’art fête sa récupération, deux ans après son mini-krach.
Témoin, la mine ravie des 260 galeristes prestigieux venus présenter leur marchandise du monde entier. Le niveau de la foire, qui dure jusqu’à dimanche, est l’exact reflet du regain de confiance. Ce n’est pas un événement historique, nulle découverte faramineuse, mais partout de beaux tableaux ou objets d’art. La peinture se taillait la plus belle part, avec divers chefs-d’œuvre français, de Vouet ou son entourage, de Coypel, de Le Sueur ou de Poerson…
Des tableaux parfois loupés par les musées français (singulièrement absents à Maastricht). A commencer par cette frise de près de trois mètres de Puvis de Chavannes, Ludus pro Patria, proposée à un prix ridicule dans une vente aux enchères en province, et désormais hors d’atteinte, à 2,5 millions d’euros. Aussi une rare sculpture de Miro, un Van Dongen voisinant avec un Monet bleu brumeux, un paysage romantique de Doré, de fins portraits de Dou et Lievens et un autre magistral de Van Dyck.
De l’art décoratif anglais non loin de très belles porcelaines chinoises : ce n’est pas là un hasard, quand on sait qu’un vase Qing sorti d’un grenier de la banlieue londonienne, et un rouleau de peinture Song, adjugé à Pékin, ont atteint des sommets l’an passé, dépassant chacun les 50 millions d’euros.
Un expert Sotheby’s confiait ainsi que 25% de leurs ventes dans le monde étaient désormais assurées par des clients chinois. Clare McAndrew, chercheuse de référence en la matière, a ainsi annoncé que, pour la première fois, la Chine avait soufflé la deuxième place du marché mondial (23%, en valeur) à la Grande Bretagne (22%), les Etats-Unis restant en tête avec un bon tiers.
Confirmant l’impression laissée par Maastricht, ces chiffres montrent qu’avec une hausse de 50% (43 milliards d’euros), le marché global a rattrapé la chute des deux ans précédents. L’Europe en a profité (+ 30%), mais la Chine, elle, a presque doublé. En six ans, les ventes d’art ont été multipliées par 9. L’intérêt des collectionneurs chinois se concentre toujours sur leur propre civilisation, mais le commerce de l’art escompte bien qu’à l’instar des Russes, ils vont élargir leur demande au «moderne classique» (Picasso en tête), qui continue de booster le marché.
Vincent Noce - In Libération du 21 mars 2011