Près d'1,5 million d'euros pour un dessus de table. Cela fait cher. C'est pourtant le prix que devraient payer Maryvonne et François Pinault pour une table à écrire ancienne acquise aux enchères dans une vente sulfureuse du 14 décembre 2001 à Drouot, de biens provenant du legs Salomon de Rothschild à l'Etat...
Estimée 10 000 euros, la table était décrite «Epoque Louis XVI (accidents et restaurations)». Or, il s'est avéré qu'elle avait été entièrement remontée au XIXe siècle avec de nouveaux tiroirs et pieds. Peut-on acheter à Drouot une table.... sans les pieds. Non, disent les Pinault. Si, ont dit les juges dans un premier temps. Mais non! a dit la cour de cassation: «le meuble doit être considéré comme n'ayant pas été reconstitué au XIXe mais seulement réparé».
L'affaire était donc rejugée, tout le monde s'attendant à l'annulation de la vente. Mais la cour d'appel a voulu démentir l'évidence: la mention «accidents et restaurations» aurait dû suffire, d'autant que le lot était vendu "en l'état. Les époux Pinault n'ont pas fait la preuve qu'ils voulaient acheter une table du XVIIIe siècle «prise en son entier». Ils pouvaient être aussi bien intéressés uniquement par la marqueterie Boulle et l'estampille de l'ébéniste Dufour. Cet arrêt n'est sans doute pas le dernier épisode. Mais une chose est sûre: quand vous allez à Drouot, vous avez intérêt à y regarder par deux fois avant d'acheter!
Vincent Noce - Libération du 24 septembre 2010 |