Enchères. La semaine dernière à Londres, les ventes d’œuvres se sont maintenues, mais les vendeurs ne font plus la loi.
Après des années d’euphorie, l’art fait encore exception en parvenant à résister à la spirale qui engloutit les marchés boursiers. Les ventes du week-end dernier à Londres étaient attendues comme le premier test après le krach. Elles se sont terminées par un soupir de soulagement : le marché a trébuché, mais n’est pas tombé. Résultat d’autant plus remarquable que ces ventes portaient sur l’art contemporain, fragile par nature. Le vent a tourné cependant.
Les experts avaient passé la semaine au téléphone à convaincre les vendeurs de baisser leur prix minimal. Dès qu’on est entré dans les grands noms, et les grandes cotes (Koons, Hirst, Warhol), les œuvres ont été adjugées avec difficulté, en dessous des attentes. A 20 % de l’estimation basse, une toile percée de Fontana s’est tout de même négociée à 11,6 millions d’euros. Le premier soir, Sotheby’s réussissait à écouler trois quarts des lots, résultat plus qu’honorable. Christie’s fit moins bien, avec 26 tableaux vendus sur 47. «C’est un réajustement, très sérieux, mais on ne peut parler d’effondrement», rassure François Curiel président de Christie’s Europe, qui souligne : «En un week-end, il s’est quand même échangé près de 90 millions d’euros. Les acheteurs se montrent plus sélectifs, mais les prix restent à 20 % au-dessus du niveau d’il y a trois ans.» Pour lui, «on est passé d’un sellers market à un buyers market», les acheteurs prenant la place des vendeurs pour faire la loi.
A Paris, le sentiment est aussi partagé. Plus de la moitié des tableaux modernes proposés par Artcurial sont restés en rade, ce qui ne s’est pas vu depuis longtemps. La Foire internationale d’art contemporain s’est, de l’avis général, «moyennement passée». La Frieze, à Londres, aurait été plus difficile. Damien Hirst avait donné le signal de la résistance en tuant Lehman Brothers. La banque avait été mise en faillite deux jours avant le coup historique de l’artiste, qui a mis aux enchères deux années de sa production. Un échec aurait donné le signal de la panique. Mais, chef-d’œuvre de marketing, l’événement dépassa les espérances, l’artiste repartant avec 110 millions d’euros en poche. Ce qui prouve qu’il y a toujours du cash.
L’art est aussi un marché de report, qui jouit d’un effet retard sur la crise. Acheter un Bacon aujourd’hui, ou même un Veau d’or de Hirst, peut en somme paraître plus sensé que de miser sur d’autres valeurs. En cas de récession persistante cependant, cet avantage se retournera. Les grandes ventes début novembre à New York devraient donner une autre indication sur l’évolution des secteurs plus traditionnels. Les économies émergentes sont plus vulnérables.
De Maastricht à Miami, de Bombay à Dubaï, près de 450 foires d’art importantes se disputent les faveurs des galeristes. Il y aura des morts.
Vincent Noce
Libération du 30 octobre 2008