La France, qui se trouvait en troisième position sur le marché de l’art mondial, est désormais dépassée par la Chine. Hier, Christine Albanel a rendu public un rapport sur une relance de la place parisienne rendu par Martin Béthenod, président de la Foire internationale d’art contemporain (Fiac).
Quelles sont les premières mesures ?
La plus novatrice consiste à accorder un prêt sans intérêt à l’achat d’une première œuvre. Elle s’inspire du succès d’un programme lancé en 2004 au Royaume-Uni. Néanmoins, l’Etat n’apportera aucune aide. Ce serait aux banques de jouer les mécènes. Corollaire : alors qu’en Grande Bretagne ces prêts ne vont qu’à des œuvres de faible valeur (moins de 3 000 euros), le plafond serait plus élevé, ouvrant aux banquiers une clientèle plus intéressante… Mais aucune démarche ne semble avoir été faite pour sonder leur enthousiasme. Le gouvernement s’est aussi engagé à ouvrir le mécénat, très en retard par rapport à celui pratiqué par les Allemands, les Britanniques ou les Américains. Il prévoit d’ouvrir aux professions libérales en entreprises individuelles le dispositif permettant de déduire l’achat d’œuvres d’artistes vivants du bénéfice imposable. Le plafond, peu attractif (0,5 % du chiffre d’affaires), sera relevé. Avec l’application de la directive européenne sur les services, la France va aussi alléger les contraintes pesant sur les sociétés de ventes aux enchères. Elles pourront proposer à leurs clients un minimum financier garanti avant une vente, ou céder des œuvres de gré à gré. Des procédés utilisés ailleurs, mais interdits à Paris. De plus, sans pour autant annoncer de mesures concrètes la ministre s’est dite favorable à une extension du mécénat d’entreprise aux particuliers, pour les dons aux musées de «trésors nationaux». Elle a promis de négocier avec Bruxelles les taxes et charges pesant sur le marché français, avec comme objectif une harmonisation avec Londres.
Le début d’une reprise ?
La proposition la plus radicale un temps envisagée visait à permettre le paiement de l’impôt sur le revenu en œuvres d’art, système à l’américaine rejeté par le Budget. La marge de manœuvre de la ministre est faible : étau budgétaire, pesanteur des systèmes, contrainte européenne. De plus, pour obtenir une vraie relance, il faut un marché financier favorable, comme aux Etats-Unis, ou en Chine, devenu second marché d’art contemporain au monde. D’autre part, si ces ouvertures sont accueillies avec enthousiasme par les grandes sociétés d’enchères, elles ont tout de suite fait l’objet d’une protestation du Syndicat des antiquaires, qui s’inquiète de voir le poids de ces grands groupes se renforcer.
Le marché français s’est-il effondré ?
Il a progressé de 13 % en 2006. Mais le marché mondial a fait un bond de 36 %. En quatre semaines de ventes à New York, il s’échange plus, en valeur, d’œuvres d’art qu’à Paris dans toute l’année.
Quel est l’enjeu ?
L’art, une affaire de riches ? Pas seulement. Ce secteur représente 50 000 emplois directs, et attire des revenus fiscaux, touristiques et en image non négligeables. Les artistes (38 000 cotisants) ont besoin d’un marché. Et, au bout du compte, les musées peuvent espérer récupérer les collections…
Vincent Noce - Libération du 3 avril 2008