Encore une mauvaise nouvelle pour le marché de l’art parisien. Chakib Elidrissi-Slitine, un des principaux experts en archéologie de la place, et le seul expert reconnu dans ce domaine près la cour d’appel de Paris, a été lourdement condamné pour son implication dans une escroquerie à l’encontre du Crédit Municipal de Paris. Dans son jugement rendu mercredi, le tribunal correctionnel a conclu que l’organisme de prêts avait bien été victime en 2004 d’une escroquerie montée par un truand tunisien en fuite et un médecin expert niçois, le docteur Marc Keucker. Celui-ci avait déposé en gage des sculptures gréco-romaines, généreusement expertisées par Chakib Slitine. Il a obtenu un prêt d’un million d’euros, correspondant à la moitié de la valeur estimée.
En réalité, présentées comme une collection originaire de son grand-père, elles avaient été achetées pour 300 000 euros. La mise aux enchères n’a pratiquement rien rapporté, le seul bronze vendu, authentifié par Slitine comme une pièce antique remarquablement préservée, ayant été révélé par expertise judiciaire comme une copie fabriquée en série au XIXe siècle. La vente a donc été annulée par le tribunal civil, l’affaire étant désormais portée en appel.
Entre temps, dans l’enquête pénale, la brigade financière a retrouvé une commission financière versée à Slitine par le malfrat tunisien. La cour a suivi le réquisitoire à plein, en condamnant le médecin niçois à trois ans d’emprisonnement avec sursis, et 100 000 euros d’amende et Slitine à deux ans avec sursis et 70 000 euros d’amende. Elle a relaxé l’antiquaire Michel Cohen, par lequel certains objets étaient passés.
Les avocats des deux condamnés ont l’intention de faire appel, mais la carrière de Slitine risque d’en souffrir. Il a déjà été au coeur de la cession, pour un million d’euros, d’une statue de pharaon aux époux Pinault, dont la vente a été aussi annulée. Son nom apparaît aussi sur une liste de condamnés d’un trafic archéologique au Caire, assorti d’une peine par contumace de quinze ans d’emprisonnement. Il conteste la légitimité de ce jugement, qui l’a empêché de fonder une société de ventes aux enchères (il a déposé un recours en cassation). Cependant, il avait été maintenu sur la liste des experts judiciaires par la cour d’appel.
Vincent Noce - Libération du 16 février 2011